Exécution des marchés publics : l’avis du Conseil d’Etat sur la modification du prix au cœur d’une nouvelle circulaire

Mis à jour le lundi 24 octobre 2022 13:25

Modification « sèche » du prix, théorie de l’imprévision, indemnité provisionnelle, prix révisable, etc. « Le Moniteur » s’est procuré la circulaire de la Première ministre relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix, qui abroge celle de mars dernier.

Si l’avis du Conseil d’Etat s’est fait attendre de longues semaines, la circulaire annoncée par Bruno Le Maire, lors des assises du BTP, le 22 septembre, ne devrait, elle, pas tarder à être publiée. Cette dernière, signée par Elisabeth Borne, Première ministre et numérotée 6374/SG, rappelle quelques grands principes déjà présents dans les précédentes circulaires, mais surtout, tire les conséquences de l’avis rendu par les Sages du Palais-Royal le 15 septembre.
Modification « sèche » des clauses financières du contrat

Pour mémoire, le Conseil d’Etat reconnait que si le prix contractualisé ne peut, en principe, être modifié, ce principe n’est pas absolu et connaît des exceptions. Ainsi, dans le contexte actuel marqué par une forte inflation, un contrat peut être modifié via le mécanisme des modifications rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles sur le fondement des articles R. 2194-5 (marchés publics) et R. 3135-5 (concessions) du Code de la commande publique (CCP). Sont également autorisées les modifications de faible montant sur le fondement des articles R. 2194-8 (marchés publics) et R. 3135-8 (concessions). Dans les deux cas, plusieurs conditions sont posées par le Conseil d‘Etat et rappelées dans la circulaire.

Sur l’hypothèse des modifications dites « non substantielles » évoquée dans l’avis du Conseil d’Etat et dans la fiche de Bercy qui accompagnait sa publication, la circulaire se montre assez lapidaire. Elle énonce que « le contrat ne peut être modifié sur le fondement des articles R. 2194-7 et R. 3135-7 du CCP relatifs aux modifications non substantielles, dès lors qu’il ressort de l’avis du Conseil d’Etat que les modifications rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles, même lorsqu’elles ne sont pas substantielles, ne sont pas régies par ces dispositions mais uniquement par celles des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 de ce code ».
Cette dernière précise une nouvelle fois, qu’en tout état de cause, les modifications des contrats en cours, même lorsqu’elles sont rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles, ne sont pas de droit pour le cocontractant et ne peuvent être effectuées qu’avec l’accord de l’autorité contractante.
Théorie de l’imprévision
La circulaire revient ensuite sur les apports de l’avis du Conseil d’Etat au sujet de la théorie de l’imprévision. Pour rappel, « lorsque le cocontractant de la personne publique est confronté à des pertes anormales provoquées par des circonstances imprévisibles, les parties peuvent aussi choisir, plutôt que de modifier le contrat, de conclure une convention d’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision codifiée au 3° de l’article L.6 du CCP ».
Plusieurs points sont à retenir : l’indemnité d’imprévision peut être versée en complément de la modification du prix ou des clauses financières d’un contrat. Autrement dit, « en cas de désaccord entre les parties sur les modifications à apporter au contrat ou sur l’indemnisation à verser au cocontractant, ou si leur accord est insuffisant pour éviter le bouleversement de l’économie des contrats, cette indemnité peut être octroyée par le juge ». En outre, cette indemnité, au contraire de la modification d’un contrat, n’est pas soumise au plafond de 50 % prévu par le CCP.
La circulaire rappelle également que la jurisprudence laisse traditionnellement à la charge du titulaire une partie de l’aléa variant de 5 à 25 % du montant de la perte effectivement subie, en fonction des circonstances et compte tenu des éventuels profits dégagés par l’entreprise dans le cadre du contrat en dehors de la période d’imprévision.
Indemnité provisionnelle
La circulaire détaille ensuite le versement de cette indemnité. « Si le montant de l’indemnité d’imprévision doit être évalué à la fin du contrat, cette indemnité doit, au moins pour partie, être versée de façon aussi proche que possible du moment où le bouleversement temporaire de l’économie du contrat en affecte l’exécution ». Pour ce faire, la circulaire explique que les autorités contractantes, dans le cadre d’une convention d’indemnisation, « peuvent accorder aux entreprises qui en font la demande des indemnités provisionnelles, mandatées avec chaque règlement, à valoir sur l’indemnité globale d’imprévision dont le montant définitif ne pourra être déterminé qu’ultérieurement ».
A noter que cette convention pourra comprendre une clause de rendez-vous dont la périodicité permettra d’adapter le montant des provisions en fonction de l’évolution de la situation économique.
Prix révisables
Parmi les autres points développés par la Première ministre, notons le rappel de l’obligation de prévoir des prix révisables pour de nombreux marchés publics. « Il faut en particulier veiller à retenir des fréquences et des références ou formules de révision des prix qui soient suffisamment représentatives des conditions économiques de variation des coûts des secteurs objets des prestations, notamment dans le cas des marchés de travaux allotis par corps de métier ». La Première ministre demande, par ailleurs, à ce que les contrats ne prévoient pas, sauf exception, de terme fixe au sein de la formule de révision de prix et ne contienne pas de clause butoir.
Enfin, la circulaire évoque la possibilité de résilier le contrat à l’amiable faute d’accord sur les conditions de poursuite et le gel des pénalités contractuelles.


Le Moniteur 3 octobre 2022